MARTEL ACTUARIAT
Divorce et dommages corporels

Piège des régimes de retraite fédéraux

Piège des régimes de retraite fédéraux

 

Au Québec, lorsqu’un couple se sépare, l’employeur est tenu de calculer la valeur du fonds de pension du participant afin d’établir le montant qui revient au conjoint. Le jugement peut simplement prévoir que 50% des droits accumulés par le participant au régime de retraite sera versé au conjoint(e). Les sommes sont ensuite transférées, le tout sans frais.

Georges et Georgette

Paul et Paulette ont d’ailleurs raconté leur expérience à leurs amis de bridge dernièrement, en l’occurrence Georges et Georgette, qui sont en processus de séparation. Effectivement,  l’employeur de Paul – la Ville de MontRené – avait effectué le calcul et son fonds de pension valait 200,000$ pour les années de mariage. Par la suite, Paulette a reçu sa part quelques semaines après le jugement, sans même avoir besoin de la signature de Paul. Un divorce de rêve!

Georges, fort de cette précieuse information gratuite, suggère à leur avocat médiateur de procéder de la même façon que son conseiller du samedi soir, i.e. prévoir le partage dans le jugement, sans plus de précision. Georges est retraité d’une compagnie fédérale du nom de Bureau Canada régie par la Loi sur les Normes de prestations de pension 1985 (LNPP). Il reçoit la même rente que Paul i.e. 40,000$/année, donc il suppose que la valeur de son régime sera similaire à celle de son ami. Une pension alimentaire de 12,000$ / année est prévue pour Georgette car le montant de 100,000$ qu’elle touchera ne sera pas suffisant pour couvrir ses besoins.

 Les employeurs fédéraux

Le cauchemar débute…les régimes fédéraux! Effectivement,  plusieurs régimes de retraite relèvent de cette législation qui regroupe les compagnies privées dans les domaines du transport, télécommunications et banques à charte fédérale.

Par exemple, POSTES CANADA, RADIO-CANADA, AIR CANADA, BELL CANADA, NAV CANADA, PUROLATOR, CN, CP RAIL, BANQUE NATIONALE, RBC, BMO, BDC, BANQUE LAURENTIENNE, CIBC en font partie.

Le jugement de Georges est donc acheminé chez Bureau Canada qui refusent de l’exécuter, sous prétexte qu’il aurait fallu mentionner le montant qu’on voulait verser à Georgette.

 L’actuaire

On l’informe également qu’ils devront utiliser les services d’un actuaire indépendant afin de déterminer le montant accumulé pendant le mariage i.e. la valeur actuarielle partageable. Celle-ci inclut les cotisations de l’employé ainsi que la part de l’employeur, fait encore méconnu de nos jours. Ils doivent donc obtenir les données, ce qui prend plusieurs semaines, puis trouver un actuaire (et le payer!).

Les surprises allant toujours grandissantes dans le dossier (au grand dam de l’avocat qui travaille dorénavant sur une base « pro bono »), le savant actuaire les informe que la valeur partageable s’élève à 700,000$. Georges s’oppose au verdict car il avait accepté de verser une pension alimentaire à Georgette basé sur le fait que son fond valait 200,000$ à l’instar de son compagnon de jeu, Paul.

L’air n’est plus à la fête, Georgette se prend un avocat et la guerre commence. Elle ne finira que lorsque les deux partiesauront eu une entente sur le montant à verser du régime de retraite. Georgette devra donc attendre des mois avant de toucher un montant du fonds de pension de Bureau Canada. Ils devront amender le jugement pour réviser la pension alimentaire et le reste de l’entente. Des mois de plaisir.

Le calcul avant le jugement

Cette triste situation ne serait pas survenue si les parties avaient utilisé les services d’un actuaire pour calculer le montant avant de faire entériner leur entente. Ce dernier aurait possiblement effectué certaines projections de revenus qui auraient été utiles également afin de déterminer la pension alimentaire de Georgette.

Il est donc impératif d’obtenir ce calcul actuariel avant la signature du consentement sur mesures accessoires. De toute façon, même si le jugement prévoit que les parties partageront le régime, l’administrateur leur demandera un document conjoint qui précise le montant exact à transférer.

Les données (fournies par les administrateurs du fonds?) comprennent souvent une « valeur maximale de transfert » ou « valeur de rente » qui ne représente nullement la valeur partageable pendant le mariage. Elle représente le montant que toucherait le participant s’il quittait son emploi. Le calcul de divorce doit être fait selon les normes de l’Institut canadien des actuaires, pour les années de mariage seulement.

Il faut donc insister parfois auprès des administrateurs pour obtenir les données car ils conseillent, à tort, d’utiliser la « valeur maximale de transfert ». La valeur partageable est souvent très différente de cette dernière et exclue les années avant le mariage.

Participant retraité: pas de transfert

Autre particularité de ces régimes: si le participant est retraité, aucun montant forfaitaire ne sera transféré au conjoint. La seule option sera alors une rente versée directement par le régime. Deux options de rente seront offertes : la rente non-convertie ou la rente convertie (que nous décrirons dans une prochaine chronique).

Il est donc impératif de régler cet aspect avant le jugement, suite aux calculs de l’actuaire.